Les vins de Bourgogne

La Bourgogne, située à la croisée des chemins entre le Bassin parisien, les vastes plaines de la Saône et le robuste Massif central, présente une diversité géographique qui, loin d’être un handicap, a été un atout majeur pour la viticulture. Cette région, malgré l’absence d’une unité physique manifeste, a su tirer parti de ses terroirs variés pour produire des vins d’une qualité exceptionnelle. Aujourd’hui, le nom « Bourgogne » évoque immédiatement à l’esprit des professionnels et des amateurs de vin, des crus prestigieux, qu’ils soient blancs ou rouges. La Bourgogne, au-delà de sa réputation viticole, est également un axe stratégique en France, reliant le nord au sud. C’est une région qui surprend souvent les voyageurs par la précocité de ses vignobles. En effet, bien avant d’atteindre Dijon, cœur battant de la Bourgogne, on peut déjà apercevoir les premières vignes bourguignonnes aux alentours d’Auxerre, en se dirigeant vers la célèbre région de Chablis. Ces vignobles précoces sont le prélude à une aventure œnologique riche et diversifiée qui s’étend sur toute la région.

Historique des vins de Bourgogne

La Bourgogne, riche de son histoire millénaire, a toujours été au cœur des évolutions viticoles et politiques de la France. Cette ancienne province, autrefois gouvernée par des Ducs dotés d’un pouvoir considérable, a vu ses terres nourrir la croissance de la vigne bien avant l’ère chrétienne. Si la Bible évoque la création de la vigne le troisième jour, les traces de la viticulture bourguignonne remontent à des temps bien plus anciens. Au Ier siècle, les Allobroges, peuple celte, introduisirent un cépage robuste, capable de s’adapter au climat parfois capricieux de la région. Baptisé « allobrogique », il est considéré par certains experts comme l’ancêtre du Pinot Noir, cépage emblématique de la Bourgogne. Avec l’expansion de l’Empire romain, la viticulture bourguignonne prit son essor, alimentant les tables de Rome et d’ailleurs. Les fleuves tels que la Saône, l’Yonne, la Seine, le Rhône et même le Rhin au nord, ont joué un rôle crucial dans le transport et la diffusion de ces vins précieux. L’invention du tonneau au Moyen Âge a encore renforcé cette dynamique, facilitant le transport des vins tant par voie fluviale que terrestre. Au IXe siècle, sous le règne de Charles le Chauve, la Bourgogne fut érigée en duché, avant d’être intégrée à la couronne de France. Cette période marqua un âge d’or pour la région, coïncidant avec l’arrivée des moines. Ces derniers, tout en étant d’habiles bâtisseurs, ont défriché et cultivé les terres bourguignonnes, contribuant à la renommée viticole de la région. Toutefois, la Révolution française bouleversa l’ordre établi, entraînant la confiscation des biens de la noblesse et du clergé, et le morcellement des domaines viticoles. Le XIXe siècle vit également l’arrivée du phylloxéra, fléau qui décima une grande partie du vignoble. De nombreux terroirs, autrefois florissants, ne furent jamais replantés.

Malgré ces épreuves, la Bourgogne a su renaître de ses cendres. Si les années 1920 furent marquées par un ralentissement des ventes, la création en 1934 de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin a redonné un nouvel élan à la promotion des vins bourguignons à travers le monde. Ainsi, la Bourgogne, avec sa résilience et son savoir-faire ancestral, continue de rayonner sur la scène viticole internationale.

Les Climats de Bourgogne : Mosaïque de Terroirs Uniques

La Bourgogne, à première vue, semble présenter une géologie et un climat relativement simples à définir : un sol fondamentalement calcaire et un climat de type continental. Cependant, cette apparente simplicité masque une complexité géologique et climatique qui fait la richesse de cette région viticole. La côte bourguignonne, entrecoupée d’innombrables combes, offre une multitude de terroirs et d’expositions. Deux éléments, bien que localisés, jouent un rôle prépondérant dans cette diversité : la nature du sol, marquée par la présence de cailloutis ou de petits éboulis résultant de l’érosion progressive des coteaux, et le microclimat propre à chaque parcelle. Face à cette diversité, les Bourguignons ont adopté le terme de « climats » pour désigner ces terroirs spécifiques. Ces « climats », véritables parcelles de terres aux caractéristiques uniques, constituent la mosaïque du vignoble bourguignon. Le concept de « climat » en Bourgogne est à la fois précis et chargé d’histoire. Il désigne généralement un lieu-dit cadastral, une parcelle de terre avec des caractéristiques pédologiques et climatiques distinctes. Dans une certaine mesure, on pourrait le comparer au concept de « château » dans le Bordelais, à la différence près que, contrairement à Bordeaux où un château est généralement détenu par un unique propriétaire, un « climat » bourguignon peut être partagé entre plusieurs vignerons. Cette particularité souligne la complexité et la richesse de la viticulture en Bourgogne. La première mention du terme « Climat », en référence au « Champ Bertin », remonte à 1584, témoignant de l’ancienneté et de la profondeur de cette tradition viticole.

Hiérarchie des Appellations en Bourgogne : Une Mosaïque de Terroirs

La Bourgogne, avec sa richesse de terroirs, a développé un système d’appellations qui reflète sa géographie viticole. Cette hiérarchie, structurée en quatre niveaux, permet de distinguer les vins en fonction de la spécificité de leur terroir, allant des zones les plus vastes aux parcelles les plus précises.

Niveau Régional

L’appellation « Bourgogne », qu’elle soit seule ou suivie d’une mention spécifique au type de vin, englobe une vaste étendue. Elle couvre la totalité de la Bourgogne viticole, s’étendant de Chablis au nord jusqu’à Beaujeu au sud. Cette zone traverse cinq départements : l’Yonne, la Nièvre, la Côte d’Or, la Saône-et-Loire et le Rhône, sur une distance d’environ 200 km.

Niveau Sous-Régional

Ces appellations sont plus spécifiques à certaines zones. En Côte d’Or, on retrouve par exemple les Côte de Nuits-Villages et Côte de Beaune-Villages, tandis que dans le Sud, on distingue les Mâcon et Mâcon-Villages.

Niveau Communal ou Multi-communal

C’est ici que la diversité des appellations bourguignonnes s’exprime pleinement. Dans certains cas, une seule commune peut donner son nom à un terroir qui englobe plusieurs communes, comme Chablis, Montagny ou Saint-Véran. Plus fréquemment, le terroir est strictement délimité à la commune qui lui donne son nom.

Niveau Intra-communal : Les Climats

Au sein de cette catégorie, deux distinctions majeures sont à noter. D’une part, les climats classés en « grand cru », qui bénéficient de leur propre appellation distincte sur l’étiquette. La Bourgogne compte 30 grands crus, représentant l’élite de ses vins. D’autre part, les climats classés en « premier cru », dont la mention est accolée à l’appellation communale sur l’étiquette. Ces premiers crus, au nombre de 570, sont souvent situés à proximité des grands crus. La plupart des villages bourguignons, même s’ils ne possèdent pas de grands crus, abritent des premiers crus.

En théorie, cette hiérarchie semble claire et structurée. Toutefois, elle cache de nombreuses subtilités qui font la richesse et la complexité de la viticulture bourguignonne. Chaque appellation, chaque climat, est le reflet d’une histoire, d’un terroir et d’un savoir-faire qui confèrent à la Bourgogne sa renommée mondiale.